#exhibitB Un conte de fées

Mon ami Laurent Levy, militant d'Ensemble, nous raconte une histoire :

Faisons un effort d’imagination. Et imaginons par exemple qu’un homme, soucieux de dénoncer les violences faites aux femmes, conçoive une exposition (installation, performance…) sur ce thème. Une exposition financée à coups de fonds publics, autrement dit par vous et moi.
On peut imaginer que la chose se présenterait ainsi : l’œuvre s’intitulerait Exhibit F. Les spectateurs (certain contexte ferait qu’ils seraient essentiellement des hommes) se déplaceraient à travers plusieurs tableaux vivants, figurés par des femmes recrutées comme intermittentes du spectacle sur chaque lieu où cette performance serait exposée. 
Mais partout, quelles que soient ces figurantes, la scène serait identique. D’un tableau à l’autre, le spectateur (un homme, donc…) regarde des femmes. L’une d’elles a sa robe et son corsage déchirés, laissant voir son sexe et sa poitrine. Une autre porte des marques de coups sur le visage. Une autre se tient dans une posture humiliante de soumission. On distingue sur une autre des traces de sang et de liquide séminal. 
On comprend que celle-ci a été battue, celle-là violée. Aucune ne crie ni ne pleure. Aucune ne se révolte. Chacune suit simplement les spectateurs du regard. L’artiste a voulu que les spectateurs sentent le poids de la culpabilité. Il a voulu déranger la bonne conscience masculine. Et certains spectateurs sont à l’évidence troublés.
Imaginons. Imaginons – tout peut arriver – que certaines femmes soient choquées par cette exposition. Imaginons que divers collectifs féministes informels envisagent de manifester contre cette représentation de la domination masculine. Qu’elles aillent même jusqu’à demander la déprogrammation du spectacle. Qu’elles estiment injuste de contribuer elles-mêmes, à travers l’argent public, au financement de la performance. 
Imaginons que l’artiste et ses amis traitent alors ces femmes de  fascistes, d’extrémistes, et les accusent de mettre en cause, par la censure, les libertés essentielles à tout geste artistique. Imaginons que la manifestation de ces femmes féministes, auxquelles quelques hommes se seront mêlés, soit à la demande des organisateurs de l’exposition accueillie par un puissant renfort de CRS, les repoussant à coups de gaz lacrymogènes, et multipliant les propos sexistes à leur encontre. Imaginons qu’à cette occasion, un militant féministe conteste à ces femmes leur qualité de féministes
Qu’un autre affirme que derrière la protestation de ces femmes, se cache un sentiment anti-mecs, et l’affirmation qu’un homme n’avait pas à imaginer une telle exposition, comme si le féminisme était réservé aux femmes. Imaginons que deux clans se créent : l’un, presque exclusivement masculin, crie à la censure et au totalitarisme, et s’en prend à ces agitées qui voient toujours tout de travers, et croient qu’on les a humiliées alors qu’on voulait juste dénoncer les violences dont elles sont victimes ; l’autre, très majoritairement féminin, réclame un débat, qu’on lui refuse, et insiste pour que la performance qui les humilie soit déprogrammée.
Demandons-nous maintenant ce que pourrait être l’attitude d’une organisation de gauche, dont le féminisme est l’un des principes (même si l’on sait que cette organisation est presque exclusivement composée d’hommes), et qui met l’émancipation humaine au cœur de son projet. On y discute : la question des libertés d’expression et de création est une chose que tout le monde juge essentielle. Mais on ne peut pas être indifférents à la réaction de ces femmes qui protestent ; et l’on n’envisage pas une seconde de se borner à leur dire qu’elles n’ont rien compris à l’art, à la démocratie, et au féminisme. Le plus probable dans cette hypothèse est même que l’on s’associe, et à leur protestation, et à leurs mots d’ordre.
Mais on l’a compris, cette histoire est une pure fiction. Toute ressemblance avec des faits réels serait purement fortuite.

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