#exhibitB Lettre ouverte à Brett Bailey
A Monsieur Brett BAILEY
EXIT EXHIBIT B
Par Alain TITTY DIMBENG
EXIT EXHIBIT B
Par Alain TITTY DIMBENG
Plusieurs personnes estiment être choquées, voire humiliées, par l’exposition « Exhibit B » dans la mesure où elle dépeint les « noirs » de manière servile et déshumanisée. Néanmoins au nom de la liberté d’expression, parmi ces personnes, certaines voix s’élèvent contre l’annulation de ce spectacle artistique demandée par la pétition du « Collectif contre Exhibit B » qui, à ce jour, a réuni plus de 20 000 signatures et ce, au nom de la dignité humaine et de la dimension traumatique de l’histoire récente des « noirs » et des Afro descendants.
Exhibit B est une installation qui reproduit un spectacle de zoo humain dont le premier date de 1870 et le dernier de 1958 en Belgique. Il s’agissait de spectacles où l’on venait voir des humains chosifiés !
Au sujet d’Exhibit B, Eric Fassin (professeur de science politique à l’université Paris VIII-Saint-Denis-Vincennes) dit sur Médiapart dans son blog du 29 novembre 2014 : « … acteurs et personnages sont réduits au silence. Les Noirs apparaissent ainsi privés de toute capacité d’agir, victimes éternellement passives de la domination raciale : des « Nègres marrons », dont la révolte a arraché leurs communautés à l’esclavage, il n’est pas question ici ». Si Eric Fassin dit qu’il est « contre-productif d’appeler à l’interdiction de ce spectacle, ou d’en provoquer l’annulation » il reconnaît aussi être « contre-productif de balayer d’un revers de main l’émotion de celles et ceux qui se sentent humiliés et offensés : l’antiracisme ne peut pas faire abstraction des premiers intéressés ».
Autrefois, les spectacles de zoo humains avaient pour objectif de dénoncer le mode de vie « sauvage » des colonisées afin de les « civiliser » comme l’illustre le discours de « l’anticolonialiste » Léon Blum devant la Chambre des députés en 1925 : « … il peut y avoir non seulement un droit, mais un devoir de ce qu'on appelle les races supérieures, revendiquant quelquefois pour elles un privilège quelque peu indu, d’attirer à elles les races qui ne sont pas parvenues au même degré de culture et de civilisation... ». Aujourd’hui, l’objectif d’Exhibit B est aussi une dénonciation : celle de la colonisation.
Se pose alors la question fondamentale de la différence entre ces spectacles éloignés dans le temps et pourtant proches dans leur essence, celle de la dénonciation. Car il faut bien le dire, chaque promoteur de ces différents spectacles était persuadé du bien fondé de sa démarche même si elle était faite au détriment de l’Humain que l’on voudrait aujourd’hui replacer au centre des préoccupations.
Dans un entretien accordé à Rues d’Afriques, Brett Bailey dit ceci : « … Quand je viens en Europe, je vois dans les aéroports de grandes photos d’enfants noirs avec des mouches sur le visage. Des images qui perpétuent celle de l’Africain qui meurt et attend le bon père blanc pour le sauver… Tout mon travail consiste à provoquer une prise de conscience pour remettre en cause toutes ces images « banales » qui persistent ». Nous devrions ainsi dire Merci Mr Bailey ! Sauf qu’à l’évidence, Brett Bailey, sourd à la douleur, au sentiment d’injustice et d’humiliation des « noirs », ne sait pas de quoi il parle. Aujourd’hui encore, il perpétue à travers son spectacle une image dégradante des « noirs ». A ce rythme, dans les siècles à venir, on continuera de nous montrer les mêmes images humiliantes au nom de la lutte contre le racisme, la pauvreté, la malnutrition et que sais-je encore !
La décence, l’éthique et la compassion auraient voulu que devant une telle mobilisation et un tel émoi, le promoteur retire de lui-même son spectacle au lieu d’affirmer avec suffisance : «On m’a demandé pourquoi moi, un blanc, je racontais des histoires de personnes noires. Mais Exhibit B est une pièce sur l’espèce humaine. La déshumanisation concerne les deux parties. Je suis simplement un homme blanc qui parle (...).»
Malheureusement, la déshumanisation n’est pas vécue de la même façon de chaque côté. Contrairement à la condescendance de Monsieur Brett Bailey, un exemple parfait de compassion et de concertation avec les victimes et leurs descendants, fut l’exposition du 27 juin 1965 au musée du KL-Natzweiler, inaugurée par Jean Sainteny, ministre des Anciens combattants. Cette exposition présentait de nombreux objets collectés auprès d’anciens déportés.
Au vu de tout ce qui précède, il est parfaitement légitime de demander l’annulation de ce spectacle. Cependant, par la volonté des tenants absolus de la liberté d’expression qui n’éprouvent aucune empathie face à cette douleur abominable, l’Histoire retiendra que la France aura permis et financé un spectacle de zoo humain au 21ème siècle. Quelle régression depuis 1789 !
A la mémoire de mes ancêtres et pour mes enfants…
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