Pourquoi boycotter Exhibit B
Un camarade, Laurent S.a laissé ce commentaire sur un blog par rapport à l'exposition, que je considère raciste, de Brett Bailey, programmée au 104 en décembre à Paris. Je crois qu'il faut le lire, alors je me permets de le reproduire ici. C'est en réponse à un défenseur de Bailey.
"Votre réponse m’a donné un argument de plus pour mobiliser pour le boycott de cette expo. Le seul fait de dire que vous n’admettez pas « qu’exposer des noirs aujourd’hui, à fortiori en France, dans un contexte où les droits de l’homme sont devenu une valeur fondatrice de la société, c’est « à première vue » raciste. » montre bien où est le problème. Certains comme vous pensent donc que les droits de l’homme, et donc l’antiracisme si je vous suit jusqu’au bout, sont devenus des valeurs fondatrices de la société et donc qu’il n’y a pas à s’interroger sur le contexte dans lequel se tient cette exposition.
Il est là le problème. D’autres, comme moi expérimentent en tant que non-blancs tout le contraire de ce que vous semblez considérer comme évident. Le racisme n’a jamais été marginalisé, il est même de nouveau de plus en plus prégnant dans cette société depuis quelques années.
Cette exposition a un discours politique qui se veut anti-raciste. Admettons que l’artiste soit de bonne foi. Sauf qu’elle joue volontairement sur l’ambiguïté du message, exposant des hommes et des femmes noires au regard d’une population majoritairement blanche, profondément imprégnée, quoi que vous semblez penser par des préjugés racistes. Le racisme n’est pas simplement un comportement ou un discours surgissant des têtes tel un diable de sa boite et qu’on pourrait faire re-disparaitre à coups de bons sentiments et de discours bien pesés. C’est un système politique, social, économique qui maintient les personnes racisées de ce pays dans une position subalterne et alimente dans la société des comportements et des représentations racistes y compris chez ceux qui se disent progressistes.
Tout le monde n’est pas raciste en France mais disons que beaucoup, même parmi les antiracistes, sont nourris par ces représentations et la plupart ne font aucun effort pour déconstruire certains réflexes tellement convaincus qu’ils sont qu’en tant que progressistes ils sont naturellement immunisés.
J’imagine que Breit Bailey ne s’est pas tellement interrogé sur le fait que lui l’artiste, en tant que blanc n’est pas neutre dans l’histoire. C’est le privilège du Blanc dans cette société de ne jamais se penser racisé mais neutre et sans couleur. Faire parler les « figurants » noirs sur le sens de cette exposition par rapport à leur histoire, c’est très bien sauf que c’est très problématique s’il ne s’interroge pas lui-même sur le sens que ça a pour lui, blanc de faire travailler des figurants noirs sous ses ordres. Le fait qu’il ne se pose probablement même pas la question est un « impensé » révélateur de la prégnance des représentations racistes dans les sociétés occidentales. Pourquoi certains bien-pensants antiracistes blancs voudraient absolument nous faire nous interroger nous, les non-blancs sur ce que ça veut dire qu’être non-blanc dans une société occidentale ? On n’a pas besoin d’eux pour ça. Qu’ils s’interrogent eux d’abord sur ce qu’est être blanc dans cette société ?
Le geste artistique de l’artiste ici se veut politique ? Breit Bailey prétend intervenir sur le terrain du réel et construire un discours antiraciste. Il veut donner corps à son message en utilisant de vrais corps, des corps noirs évidemment et il joue de l’ambigüité de ce geste pour provoquer et faire réagir. Chiche ! Il a réussit. Il contribue à humilier un peu plus certains non-blancs qui se voient encore une fois réduits à l’état d’objet par un blanc. Et qu’il affirme que cette fois-ci c’est pour la bonne cause ne change rien à l’affaire. S’il veut vraiment aller jusqu’au bout de son geste, qu’il se fasse « figurant » pour de vrai, qu’il donne son carnet d’adresse, ses entrées dans le monde de l’Art à des artistes noirs pour qu’ils se fassent un nom et un prénom et qu’il « rentre dans la cage » à la place des figurants noirs.
J’imagine que comme en Angleterre, qu’on le pousse dans ses derniers retranchements et il hurlera au fascisme, ce qui l’a définitivement démasqué, lui l’homme blanc face aux militants noirs contestant son oeuvre. Pourtant ces militants noirs sont certainement au moins aussi légitimes à tenir un discours sur le racisme que les « figurants » noirs de son expo qui tout de même rappelons le sont aussi ses salariés. Encore une fois, il est certainement de bonne foi. Mais puisqu’il a voulu intervenir sur le terrain du réel, faire passer un message politique, qu’il ne se réclame pas alors d’une prétendue immunité artistique pour échapper à la polémique. La mobilisation pour le boycott de cette expo est tout à fait légitime. C’est l’expression démocratique de ceux qui choqués voir humiliés par cette exposition veulent l’interdire. Oui, elle se heurte à l’expression démocratique de ceux qui défendent cette exposition. Mais c’est le débat et la mobilisation qui trancheront."
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