Exhibit B : le zoo humain ne doit pas être soutenu par de l’argent public!

Exhibit B : le zoo humain ne doit pas être soutenu par de l’argent public!

Annulée à Londres, suite à une campagne antiraciste, l’exposition programmée pour décembre à Paris au centre culturel 104 doit être retirée.

L’exposition “Exhibit B”, conçue par un Sud-Africain blanc, Brett Bailey, met en scène des Noirs enchaînés et dans différentes positions dégradantes. Une femme africaine, seins nus, en costume “tribale” est suivie par une femme noire assise, enchainée au cou...  Les figurants noirs sont embauchés dans chaque ville où l’exposition est présentée, et les spectateurs payent pour visiter un à un les Noirs, qui restent silencieux et immobiles. L’exposition fait référence aux zoos humains d’avant la deuxième guerre mondiale, où des Noirs et d’autres peuples “exotiques” étaient exhibés pour le divertissement des Blancs dans une époque encore bien plus raciste que la nôtre.

Cette exposition était programmée à Londres pour mi-septembre dans un centre culturel, The Barbican, financé par l’Etat.  Une campagne antiraciste “Boycott the Human Zoo” a lancé une pétition qui a réuni 23 000 signatures. La campagne a été soutenue par UNITE, un des plus grands des syndicats britannique (1,4 millions d’adhérents), par PCS (syndicat des services publics, 250 000 adhérents) et par une série d’organisations antiracistes.

Suite à plusieurs réunions publiques, rencontres avec les organisateurs de l’exposition et ensuite des rassemblements devant la galerie, l’exposition a été annulée. La campagne a dû se montrer très pédagogue. Un débat public au théâtre de Stratford à Londres a opposé des militants antiracistes à certains des figurants noirs qui travaillaient pour l’exposition et à la directrice artistique du Barbican. Les antiracistes affirmaient que la reproduction d’une présentation dégradante de Noirs en public ne pouvait pas aider à combattre le racisme et qu’au contraire, se divertir en utilisant les corps des Noirs de cette façon renforçait la discrimination.

Ce serait bien que nous ayons également en France une pétition pour la retirer du programme d’un centre culturel public, le 104, où elle est programmée pour début décembre (17 euros le billet, mais gratuit pour les moins de 15 ans, car l’exposition sera ouverte à toute la famille !).

Suggestions  ou contacts pour une campagne ? email boycottexhibitBparis@gmail.com



Contexte:
A Londres, les médias prétendaient que les militants antiracistes manquaient de culture et d’instruction, et Brett Bailey lui-même déclarait que  les protestations venait des “aboiements d’une foule déchaînée” (en réalité pendant les rassemblements, malgré une forte présence policière, il n’y a pas eu une seule arrestation).

Quelques Citations

« La plupart des gens reconnaissent que ce serait inapproprié d’écrire une série comique pour la télévision sur le Shoah. Pourquoi ne comprend-on pas que c’est effroyable de présenter une exposition qui déshumanise des Africains pour de l’argent et le divertissement? » Toyin Agbetu, militant noir,

« Comment pouvons-nous savoir que nous ne sommes pas en train de divertir les gens de la même façon qu’ont fait les zoos humains » Un des figurants Noirs qui a participé à l’exposition lors de sa présentation à Edimbourg.

« Un groupe d’hommes qui visitaient l’exposition se sont mis à rire et à faire des commentaire sur mon corps et mes seins. Ils ne s’étaient pas rendus compte que j’étais un être humain, ils croyaient que j’étais une statue. » Berthe Njole, une des figurantes noires en Pologne.

« Même si nous acceptions les intentions nobles déclarées, selon lesquelles l’objectif est de “provoquer les publics, les faire réfléchir sur les racines historiques des préjugés et politiques actuels,” nous ne pourrions pas ignorer le fait que des corps noirs sont utilisés pour faire passer un message à des publics blancs. L’objectification est une stratégie qui vise à évoquer la culpabilité chez ceux qui ont un passé colonial. Même si les intentions sont pures (si …) le moyen de communication est sale. L’exposition montre les Noirs comme des agents passifs, utilisés pour permettre aux blancs de parler entre eux. Bailey lui-même a déclaré qu’il avait “beaucoup de mal” à produire l’effet voulu. “Je demande aux figurants de ne pas regarder [les spectateurs] avec colère, mais avec de la compassion”. Nous ne sommes pas en présence d’acteurs Noirs qui parlent pour eux-mêmes : ils ne sont qu’un outil pour le message du réalisateur sur les relations inter-ethniques »
Dr Kehinde Andrews, maître de conférences en sociologie à l’Université de Birmingham City et un des fondateurs de l’Organisation pour l’Unité Noire”.

« On nous dit sans arrêt que les images et les jeux vidéos violents encouragent la violence, mais on veut nous faire croire que voir des images racistes de personnes noires qui souffrent va nous rendre moins racistes! » Mayo Olubo

"L’exhibition de corps noirs enchaînés, dans une passivité imposée, et ce sans que les colons n’apparaissent, est un choix de narration qui n’est en rien une dénonciation, mais juste le maintien d’une tradition coloniale où on ne laisse jamais le corps noir se dire et se raconter. On l’expose à une fin tacite et nauséabonde : soulager les consciences en flattant l’ego du spectateur qui se dira “c’était pas bien ce qu’ils ont fait dans le passé”, sans se rendre compte qu’il participe lui-même au maintien d’une oppression raciste." Mrs Roots, sur son blog
"Peut-on exposer des Noirs dans un zoo humain pour dénoncer l'esclavage ? Doit-on blesser et ou humilier des Noirs pour promouvoir l'art et ou la liberté d'expression ?
L'exposition Exhibit B est initiée par un Blanc, qui a vécu dans un contexte d'apartheid,  pour des Blancs et nie toute la violence et toute l'humiliation qu'elle peut faire subir aux Noirs. Non monsieur  Brett Bailey, vous ne devez pas exposer des êtres humains comme des animaux. Rien ne peut justifier ça !"
Ndella Paye, militante française féministe et antiraciste.

"Ce n'est qu'un exemple d'un Blanc qui exerce ses privilèges ethniques. Si ce n'est pas le cas, peut-être M Bailey peut-il nous expliquer pourquoi il n'a pas mis es Blancs dans son zoo! ç'aurait été plu frappant, et le message bien plus clair!" Sarah Myers, fondatrice de la campagne "Boycott the Human zoo".

«Je ne sais pas, il se peut que d'ici dix ans je vais réflechir à 'Exhibit B' et me dire 'Mon Dieu, je fais exactement ce dont on m'accuse!'» Brett Bailey, interviewé par le journal britannique The Guardian



« C’est du fascisme. Juste parce que la plupart d’entre eux sont Noirs avec des dreads ne veut pas dire que ce n’est pas une action fasciste. » Brett Bailey, réagissant aux manifestations antiracistes.


« L'Action pour l'Afrique du Sud, ACTSA, organisation succédant au Mouvement Anti-Apartheid ajoute ses préoccupations à celles déjà exprimées par de nombreuses personnes et organisations, à la production Exhibit B mise en scène au Barbican. Nous exhortons le Barbican à écouter et à prendre en compte ces préoccupations.

Beaucoup de gens - des organisations de noires et de blancs, et des organisations des Noirs actives contre le racisme au Royaume-Uni, y compris les syndicats – à propos de cette mise en scène, croient que que quelque soit l'intention de la production, cela objective les noirs, c'est voyeur et humiliant.

2014 est l'année du 20e anniversaire pour l'Afrique du Sud devenue un pays libre et démocratique. Le pays est aux prises avec l'héritage de l'apartheid et du colonialisme, y compris la doctrine de la suprématie blanche. L'Afrique du Sud tente de faire face à ce passé horrible et son impact, en remettant en cause le racisme, comme il essaie de construire un Etat démocratique, non raciste et non sexiste grâce à des processus importants de réflexion, d'apprentissage, de dialogue et de discussion, y compris avec la Commission Vérité et Réconciliation, le Musée de l'Apartheid et Robben Island. Ceci, [exhibit B] est en contraste un spectacle unique qui dépeint les noirs comme des objets, mais ne semble pas avoir impliqués les noirs dans le développement du concept et de la production, et que beaucoup considèrent comme voyeur.

Le Barbican lui-même ne semble pas avoir pensé que si il souhaite mettre en scène cette production, il doit alors s'engager de manière proactive avec la communauté noire au Royaume-Uni, obtenir leurs points de vue plutôt que de simplement organiser une production et quand il est critiqué de rejeter cela comme une tentative de censure.

L'une des principales leçons tirées de l'Afrique du Sud est, que ce qui est important, est ce que vous faites, mais aussi la façon dont vous le faites et quelle est votre motivation pour le faire. » L'Association "Action pour l'Afrique du Sud"

Quelques questions et réactions fréquentes:

Q Il est dangereux d’interdire une oeuvre d’art, car il faut respecter la liberté d’expression.
R: Il ne s’agit pas d’une demande d’interdiction de la production d’un ouvrage. Si un jeune Blanc veut enchaîner des volontaires Noirs dans son jardin, appeler cela de l’art et demander aux voisins de payer pour venir voir, c’est une autre question. Il s’agit dans le cas d’Exhibit B de demander que l’argent public ne soit pas utilisé pour mettre en scène la dégradation d’êtres humains.

Q : Un artiste doit avoir une totale liberté de création ?
R : L’argent public subventionne un petit pourcentage d’artistes. Il serait inconcevable de mettre en scène des tableaux vivants de femmes jouant le rôle de femmes violées mais immobiles et silencieuses, sous prétexte de « faire réfléchir à la violence contre les femmes ». De présentations dégradantes de Juifs ou de homosexuels mettant en scène des crimes du passé seront également refusées. Pourquoi serait-ce différent pour des Noirs ?

Q: Brett Bailey, ayant vécu en Afrique du Sud pendant l’ère de l’apartheid, déclare que ses intentions sont antiracistes, et visent à faire réfléchir sur le passé colonial.
R: Les intentions de l’artiste sont tout à fait secondaires quand on veut comprendre l’effet d’une exposition de ce type. Dans un contexte où il est extrêmement difficile pour des artistes Noirs de se produire dans des institutions prestigieuses, à cause d’un racisme institutionnalisé, on peut penser qu’il y a des artistes mieux placés pour expliquer le racisme  au grand public ! Par ailleurs une exposition ouverte à des enfants de tout âge sera forcément compris de beaucoup de manières différentes. Si des milliers de personnes vont à l’exposition, des millions d’autres entendront simplement parler de la création artistique qui enchaîne des Noirs pour divertir.

Q: Mais certains des figurants noirs dans l’exposition ont défendu l’ouvrage et ses intentions antiracistes.
R: Ils ont, comme nous tous, tout à fait le droit à leur opinion, mais il  semble évident que les gens qui ont postulé pour une participation, salariée, à cette exposition, étaient parmi ceux qui ne la trouvaient pas raciste. Les Noirs enchaînés ne sont pas seulement présentés comme des objets passifs, mais ils sont esthétisés, rendus objet d’art par les lumières décoratives le silence et la musique. Ce n’est pas de l’antiracisme.

Q Cette exposition a déjà eu lieu à Paris en 2013, sans qu’il y ait une campagne antiraciste pour s’y opposer.
R : Le fait qu’on ait pu rater l’occasion la dernière fois ne peut pas  nous empêcher de nous y opposer cette fois

La pétition contre cette exposition se trouve ici 




Ceux et celles qui lisent l’anglais peuvent trouver des informations sur la campagne réussie à Londres, ici :  http://boycotthumanzoouk.com/ et un vidéo sur la campagne   sur Youtube (chercher “Exhibit V for Victory — Human Zoo Cancelled in London”)

Suggestions  ou contacts pour une campagne ? email boycottexhibitBparis@gmail.com


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