En direct du week-end de débats de la Gauche Anticapitaliste

Weekend de débats organisé par la Gauche Anticapitaliste

La première session a revisité la Révolution russe. Le présentateur expliquait l'importance de la question. "Le parti bolchevique a très souvent été une référence et parfois un modèle" pour les anticapitalistes. "Certains pourraient être surpris par le choix de thème" a-t-il poursuivi.

Pour ma part j’étais ravi du choix de sujet. Quand on dit « il faut renverser le capitalisme : les travailleurs doivent gérerl’économie » on nous répond « ils ont essayé ça en Russie, et t’as vu le bordel ! » Sans une explication de la Revolution russe et sa défaite, comment demander aux gens de s’engager pour renverser le capitalisme ?

Il y avait 62 personnes présentes à cette session.



Les deux orateurs ont proposé chacun leur vision personnelle de la Révolution russe. J'ai essaye de résumer leurs arguments clairement, même quand je n'étais pas d'accord :=)



Charles Aubin et le premier orateur, sur les premières années de la Révolution russe.

On n'a pas beaucoup d'exemples de révolutions dirigées par des révolutionnaires intègres. Je recommande le livre de Roger Martelli, mais n’oublions pas les apports venus d’ailleurs. Il y a des débats intéressants aux Etats Unis actuellement.
Je recommande par exemple le livre d'Alexandre Rabonivich en anglais " The Bolsheviks in power", Et le livre de Simon Pirani " The Russian Revolution in Retreat 1920 à 1924. Ce dernier se base sur les archives nouvellement ouverts, y compris les archives du Parti bolchevique.

On a l'habitude d’étudier séparemment les deux périodes
La guerre civile 1917-1921
Et puis la vraie prise de pouvoir de Staline en 1928. Les années entre 1921 à 1928 ont été insuffisamment étudiées. Mais elles sont très importantes car elles posent la question du lien entre le léninisme et le stalinisme.

La droite et la social-démocratie disent que les deux, c'est la même chose. Les libertaires sont d'accord. Hobsbawm et d'autres historiens qu'on appelle circonstancialistes disent que le stalinisme était affreux mais on ne pouvait pas faire autrement. Enfin il y a la tradition marxiste révolutionnaire à laquelle j’appartiens

La révolution russe commence dans une situation terrible : famine, guerre, destruction de la production partout. On voit le parti bolchevique comme démocratique et discipliné. C'est vrai mais il n' y a pas que cet aspect.
Zinoviev et quelques autres dirigeants bolcheviques dénoncent le projet de l'insurrection publiquement, pendant qu'elle se prépare. C'est on ne peut plus indiscipliné, mais ils ne seront pas exclus de la direction.

La prise de pouvoir est faite au nom du congrès des soviets, constitué des représentants élus des soviets de travailleurs, de soldats et de paysans. Il ne s'agit pas d'une prise de pouvoir minoritaire.
Le gouvernement est formé, constitué de « commissaires du peuple », un terme emprunté à la révolution française, tous bolcheviques.
Les mencheviques sont contre la révolution. Mais les bolcheviques ont décidé à ce moment de ne pas inclure dans le gouvernement des Socialistes Révolutionnaires de gauche, un parti qui soutenait la révolution.

Quelques mois plus tard le gouvernement est élargi aux Socialistes Révolutionnaires de gauche. Cet élargissement se fait contre l'avis de Lénine. On voit que le parti bolchevique n'a à cette période rien de monolithique à cette époque.

L'assemblée constituante se réunit dans la confusion. En effet les élections avaient eu lieu avant la scission des socialistes révolutionnaires.
Les bolcheviques se trouvent avec 24% des élus à l'assemblée constituante, là où ils avaient 70% des élus au congrès des soviets. Les Socialistes révolutionnaires ( droite et gauche confondues) sont très nombreux.

Les bolcheviques maintiennent que l'assemblée constituante n'estvplus représentative à cause de çe problème des SR et aussi que le congrès des soviets représente un type ce démocratie plus représentative. Ils font dissoudre l'assemblée

Rosa Luxemburg dira que c'était une grande erreur.

La suite de l'affaire c'est l'offensive militaire allemande. La Russie ne peut plus de toute façon combattre. Le front n'existe plus. Il y a des désertions en masse.

Lorsque’en mars 1918 le gouvernement allemand social-démocrate lance une offensive, il y a une longue discussion dans le parti bolchevique sur ce qu il faut faire. Discussion de fous.

Certains proposent la contre offensive.
D'autres proposent la guerilla.
Enfin sera signé le traité de Brest Litovsk

Par ce traité, les Allemands annexeront un quart du territoire russe et 25% de la population. Ce territoire concentrait les meilleures terres agricoles et l'industrie sidérurgique.

Le Parti des Socialistes Révolutionnaires sort du gouvernement et reprend la voie terroriste. Quand, en Juin 1918 un dirigeant bolchevique est assassiné par un socialiste révolutionnaire: les SR sont expulsés du comité exécutif des soviets.


Un autre SR assassine l ambassadeur allemand afin d’essayer de provoquer une nouvelle guerre entre la Russie et l'Allemagne. Une autre SR essaie d’assassiner Lénine.

Le résultat de toutes ces pressions, c'est "le communisme de guerre" .
Dans une situation de désorganisation de l'industrie; grève des fonctionnaires tsaristes; où la famine s'installe dans le pays, le gouvernement  devient beaucoup plus répressif

Des milices armées sont envoyées dans les campagnes pour réquisitionner le blé pour nourrir les villes. Les paysans brulaient la récolte pour que les saisies n'aient pas lieu.

La terreur était décrétée contre les spéculateurs dont certains sont fusillés pour l'exemple. Parfois le tribunal va décider selon la classe sociale de l'accusé

Le nombre de membres du parti bolcheviques à Petrograd a chuté en 1916 : seul un quart reste!

Le raisonnement des bolcheviques n'est pas un raisonnement corrompu, mais c'est un raisonnement [selon l’orateur – JM] qui ne peut pas être le nôtre,

La famine , l'épidémie détruit la classe ouvrière. De 1917 à 1921 la moitié des ouvriers disparaissent. La Russie vit trois ans de guerre civile. La fin de la guerre civile libère la contestation.

La révolté à Kronstadt montre la gravité de la situation.

La Nouvelle Politique Economique es la réponse de Lénine. C’est un compromis social. Le parti bolchevique cède sur les revendications paysannes. On fait entrer à nouveau le marché. Ça fait redémarrer l'économie russe.

Mais les autres partis politiques restent interdits. Trotsky a dit que le pouvoir bolchevique est dans le vide.

"Tout ça pose des problèmes, qui pouvait peut être pas été réglés à l'époque"

Que faire de l'auto organisation si la vie politique s’assèche après une révolution.

Selon Charles, il ne faut pas se limiter à des instances d autoorganisation , les soviets.
Il faut un état de droit, une dose de suffrage universel, de parlementarisme

Il reste le problème des autres partis. Il y aurait eu, il croit, besoin de plusieurs partis après Kronstadt.  Les bolcheviques ont fait de nécessité vertu

Le deuxième orateur est Roger Martelli
Ce n'est pas une perte de temps

Les faits sont connus alors je ne les répèterai pas. J’en resterai à des questions

Lénine est un homme du socialisme du xixe siècle
Il perçoit les dangers du crétinisme parlementaire
Il est un des premiers à comprendre que la guerre change tout. Il cherche le maillon faible du capitalisme dans la guerre.
En 1917 Lenine tourbe le dos aux debats des socialistes sur les étapes de la révolution, le besoin de construire le capitalisme avant de passer au pouvoir des travailleurs, etc.

Il voit en Russie en 1917 un champ de ruines, mais des possibilités nouvelles.
C'est un homme d’opportunité et de l'initiative.

Il a la possibilité de trouver la jonction entre les révoltes dans la campagne et à l’armée et la question du pouvoir politique. Il considère qu il y a un double pouvoir.

Lenine decide de ne pas soutenir le gouvernement provisoire et décide du slogan « tout le pouvoir aux soviets. »

Mais peut être au lieu de deux pouvoirs, il y en avait au fond aucun pouvoiŕ seulement un chaos

Les bolcheviques prennent donc un pouvoir qui n’existe pas. Il n'y a pas d'etat. Il ne restait que le volontarisme et la force brute. La Tcheka devient le pivot de la révolution. Dès le départ la dictature du prolétariat est morte. Le communisme de guerre est une pratique sans théorie. Dès le départ, le ver est dans le fruit!

Les bolcheviques n'avaient pas de réflexion sur la gestion du pouvoir. Ils n'ont fait que bricoler. Lénine n'a pas d autre référence que la Prusse de Bismarck

Il aurait fallu penser la tension entre la volonté et le possible. Le volontarisme peut conduire à la folie.

Le plus fort de Lénine était l'intuition en 1921 qu'il fallait la Nouvelle Politique Economique. Il fallait instaurer une période durable de tension entre deux logiques: l'appropriation sociale et l'appropriation privée. C'était son moment d'intelligence suprême.

Mais Lenine meurt trop tôt et n'a pas le temps de penser la NEP. Et les autres bolcheviques n'étaient pas prêts à la penser. L'opposition de gauche est très réticente par rapport à la NEP.

Et pour Staline et d'autres, le communisme de guerre est la vraie, la seule manière de construire le communisme. Pour lui, la NEP n'est qu'un compromis temporaire.

La victoire du stalinisme était elle donc une fatalité ? Non l’histoire n’est pas faite de fatalités. Lenine aurait pu ne pas choisir la NEP. Les hésitations que nous voyons dans la bureaucratie staliniennes en 1927 aurait pu faire autre chose.

Pourquoi la marche vers le stalinisme n'a pas été stoppée?

En 1917 les bolcheviques ont les paysans derrière eux. Un an plus tard c'est fini

Il ne faut pas penser que Staline est un imbécile qui s'en sort uniquement par la brutalité.  C etait le premier à comprendre que la revolution mondiale n'etait plus a l'ordre du jour

Il a un sens pratique qui trouve echo.
La force de staline c'est d'abord son bon sens et sa brutalité. Mais aussi l'incapacité des opposants de proposer collectivement une alternative convaincante. Trotsky Boukharine etc avait chacun des faiblesses qui les ont empêchés de le faire

Peu â peu le stalinisme devient système.

Alors y avait-il rupture ou continuité?

Pour moi il n'y a pas eu de contre-révolution stalinienne. Je ne conteste pas la rupture
Le stalinisme n'est pas un retour au capitalisme. C'est un post capitalisme sans être un communisme.

Il y a rupture radicale, absolue, mais pas contre-révolution.

Il y avait déjà dans le bolchevisme des fragilités des lignes de faille, par exemple la survalorisation du politique et du parti, la primauté de l'action et du centralisme.

Ça peut conduire à une conception militaire de la politique, la toute puissance du parti savant.

Ensuite le débat dans la salle a soulevé bien des questions. Plusieurs camarades ont contesté notamment la position de Martelli selon laquelle il n’y avait pas d’Etat en 1917. D’autres ont soulevé les questions suivantes :

Y avait il un Etat en 1917?
Est ce-que la société stalinienne était une nouvelle forme de capitalisme?
Y a t il une continuité certaine ou y a t il contre révolution?
Contre révolution politique ou contre -révolution sociale?
Quel a été l'effet de la brutalisation de la société?
Est ce-que la "brutalisation de la société" est un concept qui aide à comprendre l'histoire de la Révolution russe?
Quel problème politique pose la répression de la révolte à Kronstadt?
Comment comprendre le rôle qu'ont joué les partis staliniens pour empêcher la révolution en Espagne et ailleurs.
Quelle est l'utilité du volontarisme

En conclusion, les deux orateurs sont intervenus à nuveau

Roger s'explique plus loin sur son idée que l'idée d’un double pouvoir de 1917 était fausse.
Je ne suis pas sur sur la nature de la société stalinienne. Il y a en effet, j'avais tort de dire le contraire, exploitation, mais pas de l'appropriation privative.

Aujourd’hui, il faut retrouver le mariage entre l antiliberalisme et l anti ètatisme.

Il faut en même temps construire des pratiques sociales alternatives, et agir pour des changements par l'action et par les institutions.

Charles explique que pour lui, L'Etat etait bien présent en 1917.

La NEP a été décidée trop tard. Plus tôt ç’ aurait changé beaucoup de choses.
Le rétablissement des droits démocratiques dès la fin de la guerre civile ç aurait été mieux. Lénine sentait ces problèmes et essayait de trouver une solution.

Les bolcheviques ont fait des erreurs, bien sûr. Il ne faut pas, pour moi , abandonner le projet du dépérissement de L'Etat, mais il faut maintenir un état de droit et des droits démocratiques institutionnalisés.


Lectures que je recommande : JM

Personne ne devrait discuter de Kronstadt sans avoir lu le livre « Kronstadt 1921 » de Paul Avrich. Il n’est pas parfait, mais il permet d’expliquer les grandes lignes et éviter les bêtises immondes qui sont généralement répétées sur la question.

Bien sûr je recommande mes articles sur la révolution russe

Que lire sur la révolution russe
http://revuesocialisme.pagesperso-orange.fr/s10lirerevrusse.htm

Nous avons publié dans Socialisme International il y a quelques années un dossier « En défense de Lénine » que vous pouvez trouver ici
http://revuesocialisme.pagesperso-orange.fr/s10sommaire.html

Le dossier comprend les articles suivants
Lire Lénine aujourd'hui  de Claude Meunier
La naissance du bolchevisme .  Paul D’Amato,
Lénine et le parti Murray Smith
Pouvoir des travailleurs contre dictature du capital Stéphane Lanchon
Traits communs et différences entre le capitalisme d'Etat et un Etat ouvrier  Tony Cliff































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